Tu regardes au loin. Tu vois l’autoroute qui circule, lumières filantes, très proches l’une de l’autre et qui s’immobilisent parfois par blocs compacts. Toi, tu es au-dessus, très haut. Le vent souffle glacé, mais tu te sens bien, suspendu, au-dessus des champs et surtout de ces filaments blanchâtres et rougeoyants à double sens. La nuit commence à tomber. Tu es loin de la foule mouvante, tu cherches l’instant unique, absolu. C’est la première fois que tu montes si haut, tu domines la vallée. Très vite ton appréhension s’est diluée dans tes extrémités. Tu libères tes mains et tes pieds de la ferraille tubulaire. Tu oublies tout ce qui t’attache à la terre. Tu te balances d’avant en arrière doucement. Là-bas les humains peinent à avancer les mains fixées sur le volant. Et toi, toi, tu crois voler dans la nuit. Mais non, le mouvement de l’architecture métallique s’ébranle à nouveau. L’instant est passé. Tu redescends vers la terre. Tu es gelé. Tu es content de retrouver le chauffage de ta voiture sur l’autoroute qui serpente en un mouvement perpétuel.
Vous mettez la radio. Les panneaux annoncent un ralentissement sur une dizaine de km. Vous êtes fatiguée. Vous repensez à votre journée. Demain vous ne devez pas oublier de téléphone à … En arrivant vous ouvrirez le frigo et … Quelle foutaise cette rencontre écolo … Vous changez de station. Vous aimez la voix de l’animateur. Une voix grave, tranquille. Vous vous asseyez tout contre le dossier du fauteuil et vous relâchez votre dos. Un instant votre esprit se vide, quelques secondes de lâcher-prise. Et vous entendez des mots qui viennent de loin, à peine perceptibles, … l’instant … unique … absolu … Et vous tournez la tête vers la gauche. La grande roue clignote entre vert et violet. Un jour vous irez sur l’engin. C’est sûr. Malgré votre peur. L’autoroute rattrape votre regard. Vous restez concentrée. Vous montez le volume. Vous souriez.
Texte modifié le 19/11/21 suite aux conseils des animateurs et du groupe.