Pour finir tu t’es réfugiée dans les escaliers, sur la quatrième marche exactement, le dos droit contre la paroi du mur, les fesses bien calées sur la marche et les pieds négligemment posés sur la balustrade. Tu lis un livre posé sur tes genoux dans ce qu’il reste de lumière. Ta vieille chatte n’est pas rassurée et tout de suite quand tu écris ta vieille chatte tu penses que l’on pourrait penser autre chose qu’à un chat mais écrire ton chat ne serait pas exact alors tu écris quand même ta vieille chatte parce qu’elle est chatte et vieille. Depuis ce matin, il y a des travaux d’huisseries chez toi, des bruits de perceuse et d’aspirateur qui l’effraient, des courants d’air. Heureusement qu’il fait plutôt doux pour la saison même si le ciel est gris. Au moins il ne gèle pas. Ta vieille chatte est deux marches au-dessus de la tienne, roule des yeux ronds et essaie une tentative d’approche pour grimper sur tes genoux. Tu tiens ton livre des deux mains et il faudrait laisser tomber le bras droit pour que la chatte puisse venir s’installer. C’est finalement ce qu’elle fait et s’enroule, ronronnant, sur tes genoux. C’est là que tu t’aperçois que le jour baisse et que ton bras gauche est trop court pour atteindre l’interrupteur.
Vous n’êtes donc pas allée chez lui ce week-end, vos enfants avaient décidé d’être là avec leur mère. Vous y étiez sans y être, les pensées aussi tirées que des cheveux vers lui qui vous attendait. Vous lui manquez il vous le dit d’ailleurs savez-vous combien les jours sont longs sans vous ? Les artisans devaient venir lundi matin mais un retard de livraison a décalé d’un jour leur venue. Vous lui aviez dit que vous ne viendriez pas alors vous en êtes resté au calendrier initial. Vous vous dites qu’au début de votre relation, vous ne vous seriez pas posé la question vous seriez allée chez lui même pour une courte nuit. L’usure finit toujours par s’installer, la fatigue de la route a raison de vous et vous pensez tant pis. Vous vous appelez tous les jours et ces appels deviennent automatiques, vous n’avez finalement pas grand-chose à vous dire si ce n’est que vous vous aimez mais quoi ça ne suffit pas toujours pour nourrir un amour qui a besoin d’air pour prendre le large.
J’aime beaucoup votre texte Cécile, il est extraordinairement vivant, rempli de sensations… je retrouve (le livre qui attire le chat c’est vrai) la douce présence féline même jusqu’au bout du second paragraphe, le déplié du bras, la solution trouvée pour « prendre le large »…