Carte au trésor

Il affirmait que tout allait bien. Il donnait le change en quelque sorte. Sauver les apparences. Il cherchait depuis un moment sa carte d’identité. Et passer son petit appartement au peigne fin n’était pas une affaire facile pour un chauve aussi étourdi. Il avait commencé par le plus simple. Une pièce bien javellisée avec un minimum de meubles. Vous aurez peut-être deviné qu’il s’agissait des toilettes. Les magazines bien rangés dans un porte-revues étaient plein de vieilles nouvelles mais aucune trace de la précieuse carte. Il poussa le zèle jusqu’à vérifier le petit balai humide et infréquentable dans son pot en plastique moche. Rien. La salle de bains lui donna juste un poil plus de fil à retordre. La petite armoire en métal au-dessus du lavabo n’était pas très remplie. Il remarqua juste que la boîte à cotons-tiges était pleine de cure-dents. Étrange affaire qui pourrait rendre sourd. Le panier à linge sale eut droit à son inspection. On ne sait jamais. Une soudaine envie de bien nettoyer le précieux morceau de plastique est vite arrivée. Pas plus de chance que dans l’armoire. Il remarqua juste un concombre un peu flétri qui attendait sûrement un petit programme délicat à 30°C enroulé dans un pull en mérinos. Quelle drôle d’idée. Mais c’est sûrement la salle de séjour qui lui prit le plus de temps. Passons sur l’exercice périlleux qui consista à examiner le dessous du canapé. La lampe-torche éclaira surtout de paisibles moutons. Il s’était ensuite résolu à prendre chaque livre par la tranche et à le secouer vigoureusement. Pour récupérer au final quelques vieux marque-pages et listes de courses anodines. Ce n’est pas cher payé pour un travail aussi méticuleux de rat de bibliothèque. Déception. Le tapis et les plantes en pot avait été soulevés. Les cadres avaient été retournés. La poussière avait volé. L’éternuement avait fusé. Puis un deuxième. Puis un dernier. La carte d’identité ne séjournait pas dans le séjour. Qu’on se le dise. Une question restait en suspens. Il avait remarqué qu’une botte en caoutchouc trônait sur la table. Elle était remplie d’eau et de tulipes. Encore une blague de sa fille sûrement. Il restait à inspecter la chambre. Il l’avait volontairement gardée pour la fin. Pas comme un dessert. Plutôt comme un morceau de bravoure. Avec des piles et des piles de draps et de torchons. Avec des chaussettes entassées. Avec des chemises bien repassées. Il fallait soulever tout ça et chercher un rectangle de plastique. Il retrouva des sachets de pâté pour chat et une casserole. C’était tout. Rien à signaler. Veuillez circuler. Pour finir, il avait hésité à recommencer la recherche depuis les WC. Et puis non. Épuisement. Il fallait décidément se rendre à l’évidence. Son identité véritable resterait encore aujourd’hui en suspension. Trois petits points de suspension jusqu’à demain. Jusqu’à la visite de sa fille. Il lui demanderait qui il était et puis voilà. Un point. C’était tout.

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