Ciel

Nous nous sommes réveillées à Aulnay-sous-bois ce matin-là, sommes descendues dans la rue parce qu’il n’y avait plus de lumière par la fenêtre, le ciel était si jaune et bas, nous n’avons pas compris tout de suite ce qui se dévoilait là. Nous marchions en silence et tout autour était ensemencé de rouge, rouge la rue sanguinolante non pas de sang – le sang de l’Est qui serait venu balayer l’Europe pour y couler à nos portes, pour marquer nos maisons encore debout du sceau de la mort, juste pour faire comprendre, parce que nous nous bouchions les oreilles dans le raffut des bombes qui tournoyaient et incendiaient les rues tout là-bas, non pas le sang de l’Est qui se serait envolé par millions de gouttes pour venir sécher sur nos fenêtres, ce matin-là c’était autre chose, c’était le ciel, cela venait d’en haut. Il était lourd et jaune, un gravas de quelque chose sur nos têtes, cet air peuplé de souffre pouvait descendre dans les rues, nous suivre et nous croiser mille fois dans tous les sens, rentrer dans les voies respiratoires, nous qui ne cessions de regarder ce qui circulait à peine, mais tournait légèrement comme le ciel marche à la même vitesse, et rejoint les gens qui s’interpellent à l’angle des trottoirs, se tassant contre les arbres, comme la pluie avait tout tassé, par plaques de boues contre les carrosseries, les vitres et les rétroviseurs, pleurs de rouge sur les murs, des raies rouges de suie rouge rentrées aux interstices des fenêtres, qu’elles portaient comme un masque, un masque en bois rouge étrangement exotique mais qui ne souriait pas, avec ses traits indirects, flanchés bancals, mal orthographiés, des larmes de pluie sale, toute la rue sortie d’un rodéo embourbé, nuit à sillonner la campagne, fugue traversière, course-poursuite dans la gadoue, mais les pneus ne gardaient aucune trace d’escapade, c’était autre chose. Les nuages étaient d’un autre poids que le jour, ocres, lourds de poussières. Alors Valérie me retint par la main, immense et rouge, leva le bras dans la brume qui marchait vers nous, retint l’éclat qui voulait sortir comme une cascade surgit de la roche qui la contient pendant des siècles, ne dessert pas les dents avant d’y croire. C’est le sable, me dit-elle, le sable rouge du Sahara.  

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