Le fauteuil

Tu es assis sur ce fauteuil roulant qui te permet de retrouver enfin le goût de la vie. Avec la perte de tes muscles, ta pêche, ton allant, ta bougeotte s’étaient tout à coup dissipés le temps que tu acceptes la cruelle fatalité de ce putain de diagnostic. Charcot. Tu connaissais Jean-Baptiste le médecin, explorateur de l’Antarctique. Mais non, il y en avait un autre de Charcot, au prénom composé également, Jean-Martin, il s’appelait celui-là. Le cadet de son homonyme, collègues ils étaient. Charcot le vieux était neurologue et découvreur de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), une maladie neurodégénérative qui vous flingue en trois ans. Tu avais fait la batterie de tests et le verdict était tombé. Comme un couperet : Charcot ! 3 ans ! Tu te répétais ça en boucle dans ta tête de sportif. Putain deux ans, il avait dit l’autre, le Chi et toi, c’était trois ! Tu avais accepté la situation et dès le début avais fixé les limites, tes limites. Tu ne voulais pas aller au-delà d’un certain état d’avancement de la maladie, en-deçà de ce que tu pensais ne pas être acceptable. Accepter l’inacceptable tout en gardant ton sens de l’humour, ce sens du détachement et ce côté pince-sans-rire qui te rendait si attachant et en même temps si fort dans l’adversité. Ton courage et ton abnégation défiaient l’entendement. Quand tu ne pourrais plus ni bouger ni parler, ni manger, tu voulais en finir. Tu l’avais dit dès la première visite. Et tu y étais arrivé.

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