Parfum d’automne

Sa vie a commencé à l’automne. Quand l’odeur de l’humide remplace la chaleur de l’été quand on pense aux récoltes, aux compotes, au sucré des confitures et aux bocaux bien clos pour tenir tout l’hiver. Humus, et pour peu que la météo y mette du sien, quelques gouttes de pluie et deux doigts de chaleur, l’odeur des champignons. Mais il ne poussera pas juste là, au pied de celui qui lui a donné la vie. Il faut s’éloigner un peu, prendre son indépendance, en roulant dans la pente ou en se faisant appétissante pour l’écureuil de passage attiré par le parfum tout neuf de celle qui vient juste de tomber, que la chaleur n’a pas encore séchée.

 Alors, bien au chaud sous les feuilles, protégée par la neige, quand le nez ne sent plus à force de couler, il se prépare. Bientôt le printemps, les premières primevères, les herbes pas encore foin, il va s’étirer, sortir deux petits bras, les tendre vers la lumière. Et en sortir bien d’autres, une multitude de petits bras, au milieu de l’été.

Au retour de l’automne, ses feuilles tomberont, odeur douceâtre et fraiche, la même qui vous laisse les mains tachées en séparant la bogue de la noix encore molle, encore fraiche et fragile. 

Les bogues, on le fera sécher, puis à nouveau tremper pour aboutir au brou à étendre sur les planches pour leur éviter de finir fades et pourries, de retourner à la terre, de finir en poussière sous les dents des insectes.

Et puis, une fois bien vieux, peut-être tordu, torturé, crochu et poussiéreux, pour peu que ses branches représentent une menace pour les fils si fragiles qui nous relient à la fée de l’électricité, tu finiras en planches tronçonné, équarri, dans une scierie remplie du parfum de sciure qui se colle aux scieurs. Maintenant il sera meuble, cadre ou porte de placard, poli à l’huile de lin, qui mêlera son odeur à la sienne. Il sentira le bois, ne sentira plus l’arbre.

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