Tu ne dois pas trembler, tu ramollis tes mains, tu frottes l’intérieur des paumes, tu souffles de loin pour ne pas laisser de goutte, faire du chaud faire du chaud, tu ne dois pas trembler, porter la tête, la soupeser, laisser la tête peser, peser de plus en plus, l’intérieur des paumes comme une coupe, la coupe du rite funéraire antique, la nuque rentre dans la moisson de ton champ, rendre les mains bien pleines mates et solides, doucement placer le bout des doigts sous l’arrière du crâne, doucement doux petits remous rotatifs, tu gravites autour du front du crâne soulèves et reposes doucement petits basculements tu le trouves enfin, ce petit tour et puis s’en vont, les pièges et les soucis, pensées petites, ferme les yeux, prends le temps de respirer, concentre-toi sur ta respiration l’inspir l’expir le fruit qui bouge sur la branche, le long réveil de la douceur, la tête rentre un peu plus dans le berceau, les paumes de ouate, la tête dans un bol d’eau, tu sens que c’est là près de la mer des cervicales et des tensions, les mains les coudes tu ne t’en souviens plus, doivent faire partie du crâne que tu soulèves, la vue du sol transfuge plafond la lente respiration, fera que tes coudes exercent ce petit point de bascule à partir duquel les épaules lentement s’élargissent, tombent et tombent dans le chaud, tu n’as pas changé d’axe ni de poursuite, le fil tendu sur la perspective du front, baigne-toi dans les épaules, le corps entier rendu au petit roulis indéchiffrable presque immobile, si délassant que tu vois les paupières descendues complètement, arrimées au souffle qui part du ventre et désaltère toutes les artères et descend dans les jambes.
Vous laissez doucement la tête se reposer entre mes mains, vous avez ce sourire perdu extatique qui fabrique un chemin de douceur, vous êtes debout sur le fil en suspend par-dessus l’abîme, tout au fond le cri tout au fond la peur, tout au fond les sens, et le sang et l’odeur, plus rien ne tend en dedans, la toile est dépliée, tout s’élève, vous sentez bien le dedans ne pèse plus, et rien même un noyau de cerise, serait petit bond de lapin, les viscères en réponse forment un voile de grand vent, vous êtes entier, vous êtes léger légèrement bancal, le corps déambulé sur le fauteuil qui plie, respire et soulève votre dos, oui sentez bien cette épaule qui s’élargit comme une aile, c’est un travail intense c’est un délassement laissez-vous mener dans la barque des mains, les doigts d’anguille délient sous la nuque, recueillent le souffle alangui de vous, le lent si lent déplié de l’épaule ferait une plage adorée des oiseaux, un astre chaud sur la colonne, un asile dans les vertèbres, c’est tout à fait possible, vous repliez comme un mouchoir ce qui frottait ce qui poussait dans vos poussières, n’étalez pas cela viendra, les paumes glissent dans le crâne, c’est un sourire qui se déploie, dans les artères qui se régalent, vos battements de jambes ouvrent un couloir de mousse dans un bassin d’eau chaude, déjà voilà, vous n’avez plus mal aux hanches.