Le brouillard est épais. Par intermittence, la route se dissout dans la page blanche. De ce vide, partent les signes de l’écriture. Dans l’épais brouillard, il n’y a plus rien de tangible. Avant de disparaître, un virage surprend à gauche, puis immédiatement après, un virage à droite. Le tertre redescend, au printemps, sur un parterre luisant de grenouilles. En contrebas de la route, dans le prochain tournant, un étang et son cabanon s’abandonnent. A l’embranchement, le bois continue de monter. Une barrière, à gauche, empêche parfois l’accès au sentier. Des diodes rouges ouvrent sur ses bords la voie infléchie qui se referme sur son passage. Les fissures naturelles de la chaussée soulignent son perpétuel dévoiement.
Soudain, un cervidé surgit, suivi de près d’un deuxième animal. Ils sont coiffés de bois. Leurs bonds gracieux enchantent l’opacité du blanc en un mouvement qui se dilue par fragments dans le matin naissant. Sortie de la tapisserie végétale, ce sont deux ombres furtives qui frôlent la route. Sur leur tête, un assemblage de cornes et de branches.
La nappe vaporeuse ignore encore ces présences incertaines sur la page. Le bitume continue son tracé qui serpente au milieu des chênes et des hêtres, filé par les ombres noires qui se fraient un chemin entre les branches, sans accrocher leur couvre-chef. Très haut dans le ciel, les étoiles doivent briller comme brille le diadème fleuronné d’argent de la reine. Même la lune est absorbée dans ce buvard humide, étrangère à cet entourage.
Au-delà de ces bois, de ces broussailles et de ces collines, une ville s’étend. Depuis peu, par une inversion du haut et du bas, les jambes écartées de sept éoliennes vrombissent, lancinantes et plaintives. Dans un vacillement visuel et un tremblement du sol, ce paysage vallonné, qui dresse ses mamelons et pointe ses protubérances arborescentes, mesure l’unité d’un paysage amoureux.
J’aime beaucoup la page et l’écriture qui trouve place dans ce paysage en traversée 🙂