Merci qui, merci madame, qu’est-ce que j’ai pu en dire des merci dans ma vie. Enfant on remercie beaucoup, la petite dame qui te demande « tu veux un bonbon mon petit ? » , elle te tend son petit truc tout moche et elle attends un merci, devant ton silence elle te postillonne « dis-donc tu pourrais dire merci », t’hésites, si tu la remercie elle est capable de t’en proposer un autre, mais bon, t’es poli, tu susurre un petit merci, « T’en veux un autre ? » , tu réponds non, mais elle insiste « allez pas de façon », tu peux pas lui dire NON, mais ces bonbons ils sont mauvais, alors tu le reprend et tu l’avales vite fait. Plus tard tu remercies la copine qui te chamboule le cœur, elle te demande « tu veux venir aux cinéma voir Indiana Jones », bien sûr que tu veux aller voir voire Indiana Jones, tu serais prêt même à aller voir un documentaire sur la reproduction des batraciens en nouvelle Zélande si elle te le demandait, tu lui réponds : Oui, mais ce oui, il veut dire merci la vie, merci mon dieu elle m’a regardé, j’existe, puis elle ajoute « tu pourras inviter Bruno si tu veux » et là tu comprends, que tu vas tenir la chandelle pendant toute la séance, et Indiana Jones tu ne lui dis pas merci ce soir-là. Plus tard tu trouves ton premier travail, tu fais de ton mieux, c’est un petit job, il faut agrafer des planches toute la journée, l’aspiration dans l’atelier est en panne depuis des mois, donc tout le monde respire de la poussière de bois, la secrétaire passe à la fin du mois pour te donner ton salaire, tu lui dis merci, rapidement, puis tu vois le montant en bas, c’est celui qui était convenu, mais le voir écrit sur le chèque ça te fait quelque chose, alors tu lui redis merci, après trois mois à manger de la sciure huit heures par jour, tu te dis que l’air n’est pas très sain dans cette boîte, alors tu démissionne, le patron il ne te dis pas merci, il faut qu’il trouve quelqu’un pour te remplacer, il devrait commencer par trouver un réparateur pour la filtration et tous les salariés lui dirait merci à cet homme. Tu avances dans la vie, tu vas assister à l’accouchement de ton premier enfant, ta femme te broie la main en souffrant le martyr, après la sortie de ce petit être rouge et fripé, la sage-femme de tend une paire de ciseau pour couper le cordon ombilical, tu la regardes, et tu lui dis : non merci, elle te regarde comme un coupable, mais tu restes sur ta position, il y a des limites quand même, on ne s’improvise pas boucher-charcutier comme ça, c’est un métier. Les années avancent, les enfants grandissent, un jour tu dois faire une radio ta vessie, on te demande de boire trois litre d’eau avant. Tu les bois, t’es obéissant, et t’es dans la salle d’attente, l’heure avance, tu commences à gigoter sur ta chaise, sur serres les genoux, tu te lèves, tu commences à exécuter une danse bizarre, les gens te regardent étrangement, tu vas voir la dame de l’accueil le regard suppliant, tu lui expliques ton cas, elle comprend, mais ce n’est pas possible d’aller aux toilettes il faut tenir, tu luis merci, mais ça te coûte, c’est ton tour, le médecin te demande de t’allonger sur le côté, et là tu ne lui dis pas merci.