Belle-Île

Alors que l’on parlait par ailleurs de paysages en mouvement, un ami fraîchement réconcilié, sans rien en savoir, m’envoie ce texte de Mohamed Mbougar Sarr, extrait de La plus secrète mémoire des hommes.

« Puis le paysage mue : champs et pâturages cèdent la place aux plaines salines. La perspective enfle aux flancs, s’affranchit de l’exiguïté habituelle de son cadre et s’arrondit de toute la beauté disponible. Le tableau toise le regard, le mettant au défi de l’embrasser tout entier. Peine perdue. C’est pour déborder l’œil, qui l’aperçoit toujours trop tard, que la beauté va ici. De part et d’autre de la route, quelques points d’eau miroitent ; ils proposent au soleil un dernier reflet avant son départ. »

Après cela que pourrais-je raconter d’ici, sur le motif en pensée, et pour quelle raison ?

Entre Angleur et Chênée, les angles morts, les chaînes rouillées, se perdre pendant des années, d’une rive aux autres, entre le fleuve, la rivière, la dérivation de la rivière, le canal de la rivière, l’écluse, la maison de l’éclusier, l’Île aux Corsaires, la Compagnie Intercommunale des Eaux, les bureaux de la Région, les cent cinquante platanes du quai des Vennes, tout au long du mur en briques — à n’en pas finir — qui fut l’enceinte de la Fabrique des conduites d’eaux, le barrage hydroélectrique sur la droite, le centre commercial sur la gauche, et au bout, cassant la ligne d’horizon, le dôme de l’église Saint Vincent et la flèche de la Tour des Finances, la mamelle et le nerf de la Guerre.

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